L'Hermeton draine les eaux d'une bonne partie de la Fagne, région de prés et de bois, au relief déprimé, située au sud du Condroz et de l'Entre Sambre et Meuse.
A partir de Soulme, la vallée se découpe profondément. En effet son profil longitudinal creuse le plateau schisteux pour rejoindre la Meuse à Hermeton. Les méandres sont très nombreux et beaucoup plus courts que ceux de rivières plus grandes comme la Lesse ou la Semois. Ils sont provoqués par la résistance du schiste à l'érosion. Celle-ci est très différente selon que la roche est attaquée par l'eau dans le sens perpendiculaire ou parallèle au schiste. Du sentier, qui ne s'écarte jamais très loin de l'eau, on observe des successions de rapides et de calmes qui semblent en concordance avec les courbes des méandres. Là où l'érosion est la plus vive, le profil s'accentue et l'eau coule de manière torrentielle. Dans les passages plus lents, à la sortie des méandres, la profondeur augmente et le courant ralentit.
Les rives sont variées, tantôt rocheuses, comme le lit, parfois taillées dans les alluvions meubles. On rencontre parfois de petites grèves de gravier qui émergent de l'eau courante.
Selon la progression de la promenade, on peut avancer vers l'un ou l'autre des quatre points cardinaux; l'origine de la lumière solaire qui perce au travers des frondaisons indique l'orientation changeante du sens de la marche. Ces mouvements, qui sont ceux de la rivière, sont issus de son conflit avec la roche, en rapport avec l'orientation du schiste déchiré par la vallée.
Le lieu est sauvage et l'endroit n'est pas habité. Mais la vallée est accueillante malgré l'obscurité due au couvert forestier de ses versants. Dans l'étroite plaine alluviale, on est intrigué par l'inquiétante floraison jaune pâle de l'aconit tue-loup, renonculacée assez rare, abondante en cet endroit, mais uniquement dans le fond de la vallée. La toxicité de la plante lui a donné son nom. De temps à autre, l'ail des ours chatouille les narines de son odeur potagère. Au sommet d'une roche imposante barrant la rive gauche, une orchidacée, le nid d'oiseau, montre d'étranges fleurs brunâtres disposées en épi. Le bord du rocher est occupé par un tapis de mousses et de lichens remarquables à n'emporter sous aucun prétexte.
Dans la rivière dont l'eau est très claire, il n'y a guère de plantes aquatiques, cela à cause de l'étroitesse de la vallée boisée, de l'orientation est-ouest et de l'obscurité due au couvert arboré des rives. Là où la lumière est plus abondante, il y a des pétasites en banc dans les alluvions et au fond de l'eau une renoncule aquatique alignée dans le courant. Dans les sous-bois, vers l'amont, à côté de l'aspérule en fleurs, les feuilles d'anémone sylvie et de ficaire commencent à jaunir, le feuillage des grands arbres leur volant toute la lumière.
C'est déjà la fin du printemps.
Hermeton-sur-Meuse, 24 mai 1998
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